Martial Goudet
Engagé, libre et rigoureux
Engagé, libre et rigoureux, tel est Martial Goudet. C’est ce que révèlent son sens du service aux autres, un puissant attachement à sa liberté et l’indispensable rigueur dont un chef comptable ne peut se départir. Ajoutez à ce cocktail l’atmosphère de sa jeunesse, celle de 1968, et vous pouvez vous forger une idée de la personnalité de cet homme profondément attaché à son terroir, qui a vécu plusieurs aventures associatives, avant de découvrir le chamanisme qui le passionne depuis plus de vingt ans.
Descendant d’une longue lignée établie à Eygalières depuis la nuit des temps, alliée au fil des siècles à toutes les autres familles anciennes du village, Martial est attaché à ces racines. Il n’aurait pu envisager d’aller vivre plus au Nord. C’est ainsi qu’à 30 ans, à la grande surprise du recruteur, il a refusé un important emploi de comptable des centrales nucléaires d’EDF, pour lequel il avait été sélectionné mais qui l’aurait éloigné de chez lui. Bien que largement ouvert aux cultures du monde, il a toujours vécu en Provence et a peu voyagé vers des continents lointains. C’est là, peut-être, un premier paradoxe.
Autre paradoxe, le jeune Martial, enthousiasmé par les idées « soixante-huitardes » de liberté, d’altruisme et de partage, choisit de s’engager à Marseille dans des études de comptabilité, matière qui reflète peu ces valeurs. Il fera toute sa carrière professionnelle dans ce domaine ; on peut d’ailleurs imaginer que ce métier lui ait donné une armature mentale qui l’a préservé des possibles dérives de la génération de soixante-huit. En tout cas, avec son diplôme en poche, il ne tarde pas à trouver du travail, à Lyon, puis à Avignon, à Marseille, avant d’intégrer à 32 ans Provence Silvacane, coopérative de fruits et légumes à La-Roque-d’Anthéron. Comme chef comptable, il y restera vingt-sept ans, jusqu’à sa retraite.
Toutefois, ce qui a le plus compté dans la vie de Martial n’est sans doute pas sa carrière professionnelle mais bien plutôt ses engagements associatifs. Anticipation, peut-être, de son futur métier, alors qu’il est encore lycéen, il devient trésorier du premier Foyer rural d’Eygalières qui vient d’être créé par M. Dumoulin, le professeur d’éducation physique et de rugby de Martial au lycée de Cavaillon. Des années plus tard, un groupe de jeunes animés par un esprit de partage, d’égalité et de fête organise les premiers « feux de la Saint-Jean » dans les Alpilles, puis crée un second Foyer rural, qui perdure encore aujourd’hui ; Martial en est le premier président. Mais il doit abandonner cette responsabilité au bout d’un an. En effet, il va habiter à La-Roque-d’Anthéron, logé par son nouvel employeur. Là, il ne peut s’empêcher de rejoindre une association, en l’occurrence le Cyclo-Club, dont il devient le trésorier. De fait, le vélo est l’une de ses passions, passion qui ne l’a pas quitté et qui le conduit aujourd’hui à faire de belles randonnées dans les Alpilles. Son autre passion sportive est le rugby, pratiqué dès son jeune âge jusqu’à ses 25 ans. Il n’en est plus aujourd’hui qu’un spectateur attentif et passionné.
Habitant à La-Roque-d’Anthéron, Martial n’a de cesse de revenir dans son village. Son père Lucien, longtemps secrétaire de la mairie du village, frère de Francinette Perrot (voir son portrait dans cette Galerie), y est propriétaire d’un terrain sur lequel Martial va faire construire sa maison. C’est qu’il a maintenant une famille. A 30 ans, il a épousé une collègue de travail à Avignon. Régine Barcelli, native d’Entraigues, est issue d’une famille originaire de la côte adriatique de l’Italie. Trois enfants vont naître de cette union, Mathieu, Marion et Fanny. La famille s’installe dans sa maison en 1988. Pendant quatorze ans, Martial fera chaque jour le trajet vers son lieu de travail, ce qui ne l’empêchera pas de se lancer activement dans la vie associative.
Il rejoint les « Amis de l’instruction laïque » (AIL), association créée en 1975 pour soutenir l’Ecole communale. Les AIL, laïcs et égalitaires, veulent aider tout le monde pour « partager les chances ». Ils apportent un soutien financier aux activités de l’école, organisent sa fête annuelle, un loto, plus tard un cross départemental auquel participent jusqu’à 1000 élèves. En 1977, ils ont aussi inventé l’exposition « Les artistes de chez nous exposent », une manifestation annuelle du village qui rassemble des artistes plasticiens, professionnels comme simples amateurs. Dès le début, cette exposition rencontre un grand succès. Installé à Eygalières, Martial devient le président des AIL. Régine, qui a été embauchée à l’école comme assistante pour les classes maternelles, y prend aussi largement sa part. C’est beaucoup de travail pour ces bénévoles et leurs amis, mais aussi, dit Martial, « des souvenirs très joyeux avec énormément de rires ». Les années passent : les parents d’élèves deviennent grands-parents d’élèves. Avec un nouveau directeur de l’école, la relation devient difficile. L'exposition se poursuit chaque année, elle perdure toujours aujourd’hui, organisée par « Eygalières, terre d’artistes », sous le nom d’Expo de printemps. L'association, quant à elle, se met en sommeil puis est dissoute en 2018, faisant don à l’école du contenu de sa caisse.
C'est au début des années 2000 que Martial « rencontre le chamanisme ». Une drôle d’aventure, tout de même ! Un jour, une amie l’invite à une soirée avec un chamane vers Salon-de-Provence. Animé par la curiosité, il s’y rend mais, peu de temps après le début du « rituel », son esprit rationnel lui enjoint de partir : tout cela n’a pas de sens. Et cependant, il fait juste quelques mètres puis revient sur ses pas, comme « pris » par ce phénomène. En effet, cette « pratique ancestrale qui fait que certains individus ont accès à un monde parallèle », comme il le dit, n’a rien qui semble rationnel. Rassemblés autour d’un chamane – ce que n’est pas Martial -, des personnes participent à un rituel au cours duquel elles « peuvent aller chercher des réponses à des questions que l’on se pose », voire connaître des guérisons. Conquis, Martial en devient un praticien, approfondit ses connaissances et commence à diriger des « cercles de tambour », l’un des rituels du chamanisme. A Eygalières même, pendant plusieurs années, il organise ces cercles qui réunissent une vingtaine de personnes, monte même un atelier de confection de tambours. Pour lui, cela relève de la même philosophie que celle de son engagement associatif : apporter aux autres un service. Au bout de six ans, cependant, la pandémie conduit l’association qui hébergeait cette activité à fermer et Martial à abandonner son rôle actif. Mais s’il n’est plus organisateur, il reste un adepte de cette pratique qui, au-delà de phénomènes qu’il qualifie de « magie pure », est pour lui un « espace de liberté », sans dogme ni organisation, un lieu de partage et d’échange : chacun est libre de participer comme il le veut et comme il le sent.
Ce goût de la liberté qui inspire sa vie, Martial a su le transmettre à ses enfants dont chacun a connu une reconversion réussie vers ses aspirations personnelles. Mathieu, ingénieur agronome, après avoir bourlingué en Afrique, est devenu « plombier à vélo » à Montpellier ; ils sont déjà trois dans sa petite entreprise. Marion, épouse de Luc Daures (voir son portrait dans cette Galerie), a travaillé comme juriste d’entreprise à Aix-en-Provence, avant de devenir une cheville ouvrière de la mairie d’Eygalières. Quant à Fanny, que les études d’écologie ont conduite dans un conservatoire d’espaces naturels, installée en Charente, elle élève aujourd’hui des chèvres et produit des fromages qui se vendent bien.
Toujours plein d’énergie, Martial Goudet est maintenant en retrait de la vie associative. Avec Régine, il peut consacrer plus de temps et d’attention à sa famille, à sa mère, Louisette, qui vient de fêter ses 104 ans, à leurs trois enfants et à leurs cinq petits-enfants.
27 mars 2024