Eygalieres galerie de portraits

Violaine Brierre Astier

L’envie de découvrir ce qu’il y a derrière le « prochain virage »

Violaine Brierre Astier, jeune femme bien dans sa peau, habite une jolie maison neuve aux Patis. Avec son mari Elric et leurs deux petites filles de six et quatre ans, elle partage le bonheur de vivre à Eygalières, l’agrément de la vie, le cadre enchanteur, le petit chemin qui mène à l’école. En somme, le bonheur tranquille d’une jeune Française établie en Provence. Est-ce vraiment tout ?

En fait, au-delà de son visage souriant, de son calme serein de jeune mère attentive, Violaine est un concentré d’énergie, d’ouverture, de curiosité et de détermination. A moins de quarante ans, elle a déjà vécu plusieurs vies d’aventures, des passions fortes. Elle sait ce qu’elle veut et poursuit ses objectifs avec ténacité, même s’il lui a parfois fallu s’accrocher pour vaincre les obstacles et continuer à y croire. Très tôt, elle ressent un besoin irrépressible de « découvrir ce qu’il y a derrière le virage ». L’étranger, le lointain, l’autre, l’attirent, sa détermination fait le reste et, dès lors, rien ne l’arrête.

Bac en poche à 16 ans, elle concilie alors études et voyages. Après un premier séjour en Australie, elle décide qu’elle veut être aux Jeux Olympiques de 2000 à Sydney. Non comme athlète, bien qu’elle ait toujours pratiqué le sport avec passion (d’ailleurs, tout ce qu’elle fait, elle le fait avec passion), mais au cœur de l’événement. Pendant plusieurs mois, elle va frapper à toutes les portes, longtemps sans succès. Et un jour, une porte s’ouvre : elle travaillera dans l’équipe IBM au sein du village olympique, pour accueillir et aider les athlètes à créer une « webpage » qui va leur permettre de se présenter, de témoigner de leur expérience aux JO et d’entretenir une relation avec leurs fans. Expérience intense, fabuleuse : une équipe de 50 volontaires du monde entier interagissant avec des athlètes du monde entier, toutes origines confondues, au cœur des JO que le monde entier observe. Jamais Violaine ne s’est autant sentie citoyenne du monde.

Cela ne fait qu’aiguiser sa curiosité et son envie d’aller explorer l’inconnu de plus près. En commençant par l’Asie. Aux Philippines, elle enseigne l’informatique à des femmes en prison ; elle parcourt la Chine après un semestre à l’université de Nankin ; elle séjourne un an à Bangkok dans le cadre de son école de commerce. De son voyage en Chine en 2001, elle est revenue ébahie, convaincue que ce qui se passe dans ce pays sera déterminant pour elle comme pour le monde. Elle veut absolument y retourner pour approfondir sa perception. Alors, à 23 ans, à l’issue de ses études, elle se met en recherche. Ce n’est pas facile, elle est bien jeune, son chinois n’est pas encore très bon. Elle s’accroche et, après quelques mois d’incertitude, Total la recrute - on est en 2004 - pour ce qui va devenir, là aussi, une expérience inoubliable : préparer, lancer et mettre en service un réseau de stations-service en Chine, avec un partenaire chinois. Comme elle est jeune, entreprenante, douée en langues, son employeur la charge de l’interface avec ce partenaire. Elle va être immergée dans l’entreprise chinoise. Des semaines durant, elle ne parlera pas un mot de français, avant d’aller faire son « debriefing » régulier chez Total. Au bout du compte, le réseau de distribution se monte, et fonctionne bien.

Entreprenante, déterminée et curieuse de tout, Violaine ne laisse pas passer une occasion. Un soir, dans son bureau à Pékin, elle voit, émerveillée, une photo de sa collègue, d’ethnie mongole, galopant à cheval au milieu des steppes. Cette collègue retourne chez elle chaque fin de semaine (à 500 km de Pékin) pour s’adonner à sa passion. Immédiatement, elle invite Violaine à l’accompagner. Sans une seconde d’hésitation, celle-ci accepte. Elle va alors s’intégrer à un groupe de Chinois « underground » épris de nature, de liberté, d’aventure : ils communiquent entre eux par internet, ne se connaissent que par des surnoms mais se retrouvent tous les vendredis soirs sur le périphérique de Pékin, roulent toute la nuit, et pendant deux jours chevauchent à tout va dans la grande plaine, parmi des paysages magnifiques. « Je me suis régalée – quelle intensité ! quelle immensité ! », dit-elle. Elle noue des amitiés durables avec plusieurs membres du groupe.

Puis un nouveau virage se dessine, inattendu. Le 14 juillet 2006, elle se rend à la réception de l’ambassade de France à Pékin. Elle y rencontre quelqu’un « qui ressemblait à un voyageur, un vagabond heureux », pas rasé, mal habillé, de retour d’un périple à vélo en Chine sur 1200 km pour aboutir à Lhassa, sur des routes souvent au-dessus de 3000 m d’altitude, pas toujours autorisées aux étrangers. Comme elle, il n’a pas froid aux yeux. Comme elle, il a soif de découvertes. Qui se ressemble s’assemble : Violaine et Elric décident de faire route commune. Bien que Violaine se sente « chez elle » en Chine, le couple ne peut y rester : ingénieur essais en vol dans l’aéronautique, Elric ne peut pas travailler dans ce pays. Qu’à cela ne tienne, ils décident de s’installer ailleurs. Pas en France : plutôt aux Etats-Unis, mieux que cela, en Arkansas, un Etat situé au Nord-Est du Texas.

Elric y a trouvé un emploi, Violaine le suit sans savoir, jusqu’au dernier moment, si elle pourra travailler : c’est seulement en embarquant pour les Etats-Unis qu’elle apprend son embauche par Saint-Gobain, propriétaire d’une usine dans cet Etat. Elle va travailler dans une mine de bauxite, un univers uniformément orange, seule Française et seule femme parmi une équipe de mineurs américains. Elle pensait trouver un terrain un peu familier. Le choc est rude : la difficulté d’adaptation est plus grande qu’en Chine, les sujets d’intérêt commun sont rares. Mais elle parvient à s’acclimater, à apprivoiser ses interlocuteurs américains. Et, comme en Chine, elle noue là des amitiés fortes.

Sa détermination, son audace paient. D’où viennent ces traits de caractère ? Cette envie d’aller voir « derrière le virage » ? C’est le produit de multiples « petites graines » qui ont interagi entre elles, certaines innées, d’autres acquises. Une enfance riche de parents fort différents l’un de l’autre : un père « très français », d’une famille depuis toujours ancrée dans les plaines agricoles de la Beauce, et une mère aux origines multiples. Violaine entend souvent les histoires rocambolesques de ses grands-parents, entre Italie du Sud et Europe Centrale, et grandit dans cette atmosphère composite, où les langues dites étrangères sont des hôtes familiers et non des obstacles à franchir. Elle parle donc le français, l’anglais, l’allemand, le chinois, et rêve en écoutant les mélodies russes. De son côté, son père, autodidacte, s’est toujours efforcé de stimuler la curiosité de sa fille, partageant des réflexions avec elle, lui faisant rencontrer des interlocuteurs intéressants, lui montrant que s’ouvrir aux autres, en être curieux, conduit à des rencontres passionnantes, souvent là où on ne les attend pas.

Les « bourses Zellidja » ont elles aussi contribué à forger sa personnalité. Elles sont attribuées à des jeunes qui partent en voyage, seuls, autour d’un thème, et remettent un rapport au retour. C’est grâce à une telle bourse que Violaine est partie en Australie en 2000, puis en 2001 étudier « la rue en Chine », phénomène fascinant : la capacité des Chinois à faire de leurs rues des lieux de vie, où on danse, où on joue, où on pratique le taiqi…

Au-delà de tout cela, Violaine est inspirée par le désir de transmettre aux générations suivantes. Elle sait d’où elle vient et ce qu’elle doit à ceux qui lui ont transmis. Elle veut donc transmettre, elle aussi. Elle l’a fait il y a quelques années en s’engageant dans l’Association Zellidja, qui attribue ces bourses de voyage. Elle le fait aujourd’hui avec ses deux petites filles, qu’Elric et elle ont déjà habituées aux longs voyages et au dépaysement, parcourant avec leurs « bidulettes » (des carrioles attachées aux vélos des parents) le Hokkaido, la Gaspésie, Taiwan, … Ses filles auxquelles elle s’adresse souvent en anglais ou en chinois pour reproduire cette familiarité avec les langues dont elle est l’héritière.

Violaine et Elric ont découvert Eygalières il y a sept ans : coup de cœur, ils y ont construit leur maison et y sont heureux. Mais Violaine Brierre Astier sait que, tôt ou tard, l’envie de nouvelles découvertes, le besoin de faire partager cette envie à ses enfants va finir par l’emporter sur le plaisir et la facilité de vie. Mais je suis sûr que, si elle part, elle reviendra ici un jour.

28 mai 2018