Vanina de Turckheim
Rigoureuse et passionnée
La cinquantaine rayonnante, photographe professionnelle, Vanina de Turckheim a découvert notre village à 18 ans ; elle en est aujourd’hui une figure discrète mais bien présente. Passionnée par la culture du Pays d’Arles, de la Camargue, elle exprime cette passion à travers ses photos, qu’elle expose. Mais la personnalité de Vanina conjugue sa sensibilité artistique avec le sérieux et la rigueur d’une part, l’imagination, le pragmatisme et la capacité d’organisation d’autre part. Autant de qualités qui lui ont permis de réussir dans le notariat puis dans la banque privée, enfin dans la photographie tout en « orchestrant » la vie de sa famille, qui occupe une place essentielle pour elle.
Cette conjonction de qualités qui peuvent sembler contradictoires est le produit d’une équation dont les origines se trouvent certainement dans son jeune temps. Enfant d’un couple dissocié alors qu’elle avait quatre ans seulement, aînée de deux fratries, Vanina a l’impression d’avoir été adulte très tôt, en tout cas de ne s’être jamais abandonnée à l’insouciance de l’enfance. Ses parents, très différents l’un de l’autre, sont habités par une rigueur intellectuelle qui va la marquer durablement : en dehors des maths ou du droit, point de salut ! Son père est un professionnel de l’assurance, cette activité économique qui, dit Vanina, « apporte aux aléas de l’existence, à l’imprévisibilité, des réponses assises sur des bases rationnelles ». Sa mère est commissaire-priseur, l’une des premières en France, un métier commercial fondé sur le statut « d’officier ministériel », donc sur une responsabilité officielle. Vanina jouit d’une enfance riche de contacts et d’une éducation qu’elle qualifie « d’atypique » : elle fréquente une école bilingue français-anglais à côté de chez elle, près du Parc Monceau à Paris. C’est une école « formidable par son ouverture d’esprit », où ses camarades sont de toutes nationalités, mais Vanina s’apercevra plus tard, à la fac, de lacunes en orthographe ou en culture générale. A l’adolescence, elle ressent en elle une fibre artistique, à laquelle elle mettra du temps à donner une forme, malgré des tentatives finalement peu concluantes avec le piano puis le chant.
Si elle est heureuse de ses jeunes années, elle veut pour elle-même une vie différente de celle qu’ont connue ses parents. Elle décide certes de s’orienter vers le droit, mais est bien décidée à se forger un destin par elle-même. C’est pour cela que, très tôt, elle se prépare intérieurement à aller travailler à New-York, auprès d’une amie proche de sa mère, chez qui elle est allée en stage dès 14 ans et qui exerce ses activités professionnelles dans les relations presse pour la mode et la beauté.
Seulement voilà, les choses vont se passer autrement. Son cœur va lui dicter une autre conduite, à, laquelle sa tête va donner forme : Vanina sait se décider et agir rapidement. Alors qu’elle entame tout juste ses études de droit, elle tombe amoureuse d’un grand jeune homme. Le sentiment est partagé. Amaury de Turckheim, le fils de Françoise (voir son portrait dans cette Galerie), et Vanina se marient alors qu’elle a 19 ans. Elle découvre ainsi Eygalières, où Amaury a vécu son enfance et s’est enraciné, un enracinement qu’il saura transmettre à sa famille. En effet, tous deux veulent fonder une famille et ne pas perdre de temps. Amaury est déjà chef d’entreprise, Vanina jeune étudiante ; à 20 ans, elle donne naissance à Arnaud ; Adriana et Antoine naîtront ensuite. Au-delà de son instinct maternel, elle va faire là la preuve de ses dons d’organisatrice pour jongler, ou plutôt naviguer avec aisance, entre ses différentes occupations. Par la suite, le temps passant, les enfants grandissant, elle jouera progressivement, au côté d’Amaury, un rôle de chef d’orchestre de sa famille, fière de ses trois enfants, Arnaud ingénieur entrepreneur, Adriana avocate en droit de l’audiovisuel, Antoine responsable commercial dans une start-up industrielle. Sans oublier ses deux tout jeunes petits-enfants.
A 24 ans, elle entre comme clerc de notaire dans une grande étude parisienne. Pourquoi donc cette jeune femme se lance-t-elle dans le notariat, une activité que l’on associe spontanément à l’austérité voire à l’ennui ? Certes, elle aime le sérieux et le droit privé, mais ce n’est pas tout : ouverte sur les autres, Vanina a un vrai talent d’écoute. Or, au-delà de l’application des règles et des procédures, le notaire doit également trouver, face à des situations patrimoniales parfois compliquées, des solutions qui répondent en toute légalité aux attentes de ses clients. Autrement dit, associer rigueur et imagination. Après avoir obtenu son diplôme avec les plus grands honneurs, après dix ans dans ce métier, Vanina ressent cependant l’envie de changer d’horizon. Ce n’est pas qu’elle s’y ennuie, mais elle perçoit qu’elle ne peut plus y progresser. Alors, à 34 ans, elle rejoint une banque spécialisée dans la gestion de patrimoines, dans un service nouveau dit « family office », qui s’efforce de répondre aux besoins des clients en plus de la gestion financière. Ce seront huit années au cours desquelles elle noue des amitiés pour la vie, elle renforce son côté opérationnel par la variété et la technicité des projets qu’elle doit mener. Elle apprend à piloter des équipes constituées de personnes très compétentes dans leurs domaines respectifs, à nouveau à l’écoute des autres et toujours imprégnée du but à atteindre.
C’est à cette époque que la photo s’empare d’elle. A vrai dire, elle la pratiquait en amateur depuis longtemps et était devenue informellement le « reporter maison » des événements organisés par la banque. Mais un déclic intervient, qui va la conduire à professionnaliser sa pratique et finalement à en faire son métier, créant en 2012 son entreprise, le « Studio Raymond Vélin ». Une personne a appuyé sur le déclencheur de sa future carrière : c’est Anne Clergue, la fille de Lucien, photographe elle-même et galeriste de talent. Celle-ci fait remarquer à Vanina que plusieurs de ses clichés réalisés au réjon de Méjanes (une corrida à cheval près d’Arles) sont « très bons », en dépit de la difficulté de saisir le mouvement. Sans doute Vanina attendait-elle ce déclic, à la fois pour entreprendre une nouvelle activité et pour donner une forme concrète à sa sensibilité artistique jusque-là en jachère. Elle se lance alors dans deux directions : le portrait et la photo d’art inspirée par la Provence. Cette initiative va être couronnée de succès, en particulier pour ce qui est du portrait. Ainsi, son ancien réseau professionnel fait appel à elle pour réaliser des portraits de collaborateurs d’entreprises, mais aussi des amis ; de fil en aiguille elle se fait connaître et apprécier pour sa capacité à « rendre » la personnalité de ses sujets. Parallèlement, elle traduit en images la passion qu’elle éprouve pour le pays d’Arles et sa culture, pour les chevaux, dont elle sait presque tout et qu’elle monte depuis sa petite enfance, les chevaux avec lesquels elle parcourt les Alpilles autour d’Eygalières avec Amaury puis avec ses enfants. Elle fait des reportages d’événements, de fêtes équestres, elle place sous son objectif personnes, animaux, objets, privilégiant les couleurs, les mouvements, les fêtes et la joie (voir son site www.vaninadeturckheim.com).
Vanina a créé son studio, auquel elle a donné le nom de Raymond Vélin. Cette dénomination est une forme d’hommage car elle associe le prénom de son grand-père maternel et le nom de résistant de son grand-père paternel. André Bollier, dit Vélin, était le chef de la propagande du mouvement Combat, dont il a assuré la fabrication et la distribution du journal. Il trouve la mort en juin 1944, à 24 ans, lorsque son imprimerie à Lyon – d’où sortent plusieurs journaux de la résistance – est encerclée et attaquée. Vanina est très sensible au destin de ce grand-père dont il reste de très belles photos faites par son propre frère alors adolescent et devenu plus tard photographe professionnel. Frappée par le style simple et direct de ces photos, Vanina a réalisé que ce style s’apparentait au sien. La boucle est ainsi bouclée …
Depuis toujours à cheval entre Paris et Eygalières, Vanina passe maintenant la plus grande partie de son temps à Eygalières. Avec Amaury, aujourd’hui conseiller municipal, elle a pris beaucoup de plaisir à refaire et aménager plusieurs maisons destinées à la location dans le village. Mais c’est la photographie qui lui tient le plus à cœur, tant pour l’activité elle-même que pour le bonheur d’illustrer cette culture du pays d’Arles qu’elle ne cesse d’aimer.
11 juillet 2022