Pascal Fousset
Troubadour des temps modernes
Prenez la route de Mouriès. Lorsqu’elle pénètre sous les pins, en contrebas à droite, vous verrez une roulotte. C’est la roulotte de Pascal Fousset, de son nom de scène « Le Petit Fousset », 1,92 mètre sous la toise. Pascal, fils de bonne famille adonné à la musique, rocker endiablé, qui s’est découvert sur le tard un don et une passion pour monter des spectacles qui s’adressent aux enfants. Enraciné à Eygalières depuis son enfance, il y a trouvé refuge dans les moments compliqués de sa vie puis pour faire grandir ses enfants dans sa maison de famille ; aujourd’hui c’est de là qu’il s’envole, avec sa roulotte, pour se produire dans le Parc des Alpilles ou dans le Jardin des Tuileries, à Paris. L’histoire de Pascal est d’abord celle d’un enfant qui fait beaucoup d’efforts pour satisfaire les attentes de ses parents, dont il n’a aucune envie de suivre les pas, un enfant qui devenu homme parvient à rassembler dans son cœur ce qu’il sait leur devoir et ce qui fait sa vie. Un homme qui ne s’est pas laissé détourner du chemin qu’il s’est choisi malgré les aléas et les difficultés d’une vie de saltimbanque, mais qui au contraire, à force d’inventivité, de sensibilité et d’audace, a su trouver les moyens d’en vivre, de se faire accepter dans différents milieux et de se trouver un public souvent enthousiaste.
A propos de la relation de Pascal à l’égard de ses parents, je parlerais volontiers de piété filiale si cette expression n’était pas un peu désuète. Et pourtant, qu’il leur en a donné du mal ! Il faut bien dire que Pascal a été un élève qui n’aimait pas l’école mais préférait chanter au fond de la classe. De bonne volonté mais pas fait pour les grandes études. On le déplace d’école en boîte à bac et même en pensionnat, il souffre mais finit par décrocher son bac puis, discipliné encore, il entre dans une école de commerce. Pour son père, banquier, notable parisien, la vocation musicale de Pascal, qui se manifeste très tôt, est source d’inquiétude. Il n’y a pas d’hostilité, juste la crainte de voir son fils tirer le diable par la queue. Un jour, il lui dit « quand je te verrai à côté de Michel Drucker, je serai rassuré ». Et voilà qu’en 2007, Pascal joue sur scène dans le cadre d’un spectacle à l’occasion de la fin du mandat de Félix Pélissier, maire sortant, auquel Michel Drucker participe aussi… Du côté de sa mère, il y a plus d’affinités électives. Bien que née dans un petit village de l’Yonne, elle appartient à une grande famille provençale établie à Avignon – les Adhémar. Sa marraine Renée de Lacomble, fondatrice du groupe folklorique La Respélide à Saint-Rémy-de-Provence, lui a transmis beaucoup de la tradition provençale. Très attachée à ce patrimoine, sa mère se costume volontiers, adore chanter et emmène son fils chaque année au pèlerinage des Saintes-Marie-de-la-Mer. Le jeune Pascal va être séduit par ces soirées libres, autour du feu, où on chante et danse au son de la guitare, avec Manolo, Ricao, les Gipsy Kings et l’immense Manitas de Plata. Bien autre chose que l’atmosphère des lycées parisiens ! C’est sans doute là qu’est née sa vocation et son idée de roulotte-théâtre. Et un jour, après que la mère de Pascal a vendu un bien immobilier en Avignon, elle décide de « s’installer dans son pays ». Elle choisit d’acheter un cabanon sans eau ni électricité mais avec une vue époustouflante sur les Alpilles, précisément à Eygalières, à cause de la présence d’artistes dans le village. C’est en 1976, Pascal a 9 ans. Il y viendra régulièrement et y habite aujourd’hui. C’est aussi à Eygalières qu’il rencontrera Nancy, sa compagne et la mère de ses deux fils Théo et Tom. Piété filiale ? Après le décès de ses parents, il ira jouer avec sa roulotte dans leurs villages natals pour leur dire un dernier adieu, comme en pèlerinage.
Donc, après le bac, il intègre une école de commerce. Et qu’y fait-il ? Il monte un groupe de musique, « L’hallu », qui joue régulièrement, à travers la France, dans les (innombrables) galas de ces écoles de commerce, où le sens de la fête n’est pas un vain mot. A la fin de la scolarité, le directeur lui dit « Continue, c’est pour ça que tu es fait ». Pascal veut donc devenir musicien professionnel, à la différence de ses camarades qui, dit-il, sont devenus « avocats, notaires, banquiers ». Il crée un « vrai » groupe, de rock, baptisé « Les Indians ». Un camion, d’innombrables spectacles, des milliers de kilomètres, une vie fusionnelle pendant trois ans, la folie. C’est la joie mais ils s’épuisent puis, comme une étoile filante qui finit par se consumer, tout explose. Pour Pascal, cela se traduit par un sérieux accident de ski et la rupture du contrat avec sa production. Le groupe se dissout et Pascal se réfugie à Eygalières en 1994. Commence pour lui une vie d’ermite où il compose les premières chansons de son nouveau personnage « Le petit Fousset ». Quatre années, puis il part vivre à Paris avec Nancy. Avec elle puis avec un, et deux enfants, il va alterner les séjours en Provence et à Paris. Pascal écrit des chansons et les joue, seul, avec un groupe plus professionnel que fusionnel qu’il a créé, ou avec d’autres artistes. Il enregistre un album et enchaîne spectacles, festivals, cabarets, beaucoup d’activités, mais jamais beaucoup de sous. En 2001, avec le Festival de Francofolies, Pascal devient - enfin ! - intermittent du spectacle, un statut pas si facile à obtenir que certains le disent. Heureusement, Nancy, puéricultrice, assure les fins de mois quand c’est nécessaire. Après la sortie de son deuxième album, Charlotte de Turckheim lui donne un sérieux coup de main en lui proposant d’assurer la « première partie » de certains de ses spectacles.
En 2009, brusque rupture : les parents de Pascal décèdent l’un et l’autre à trois mois de distance. C’est un choc psychologique et un changement de vie. Ils lui laissent une somme d’argent, que Pascal décide de consacrer à une idée originale et osée : se créer un espace polyvalent sur roues, un bureau/studio/scène de spectacle, une roulotte qui se déploie. « Mais tu es fou ! », lui dit-on, mais il tient à son idée. On ne la trouve pas sur étagère, donc Pascal déniche à côté de Lille une société qui va lui fabriquer son « objet unique », qu’il appelle Miréla. Et le voilà sur l’autoroute, tractant sa roulotte derrière son 4x4, arrivant juste à temps pour jouer à Eygalières, devant la Mairie, pour la Fête de la musique en juin 2010. Dans la foulée il joue aussi au Festival d’Avignon, au pied du Palais des Papes. Puis il prospecte à tout va pour se produire dans des villages de vacances, des communes, des festivals, avec de bons succès, mais seulement pendant la « saison ». C’est alors qu’intervient une nouvelle inflexion : le domaine viticole et château d’Estoublon, à Fonvieille, organise un marché de Noël et propose à Pascal de monter un spectacle pour les enfants dans sa roulotte. Pascal est interloqué, il n’y avait jamais pensé, mais il invente un cocktail de contes, de chansons et de cinéma qui marche formidablement. Le « Mobil Môme » est né (www.mobilmome.fr). Pascal s’enthousiasme pour la manière dont les enfants réagissent et, progressivement, cela va devenir sa spécialité. D’ailleurs, pour mai-juin 2019 est programmée une tournée auprès des écoles dans les villages du Parc naturel des Alpilles.
Et quoi d’autre ? Vous avez dit roulotte ? Roulotte égale forains. C’est à l’occasion du spectacle dans le village natal de son père que sa tante Michelle lui suggère de prendre contact avec les forains. Justement, c’est la période de la fameuse « Fête à Neu-Neu ». Son cousin Antoine – lui aussi auteur compositeur et musicien – rencontre Francky, l’organisateur et, sans aucune préparation, Pascal y assure deux concerts, qui connaissent un beau succès. Mais voici plus fort : quelques mois passent, Pascal entend parler d’un marché de Noël aux Champs-Elysées. Le même Francky recommande de prendre contact avec un certain Marcel Campion… L’accord se fait et, quelques semaines plus tard, Pascal « descend les Champs Elysées » en tractant sa roulotte. Une sorte d’apothéose et en même temps une drôle d’impression pour quelqu’un qui a passé son enfance à Paris. Stop, il s’arrête devant la Grille du Coq du Palais de l’Elysée, fait la connaissance de « Marcel » et s’installe. Depuis 2012, Pascal y est présent chaque année, il a investi, son spectacle est toujours plus beau. Et, à la faveur d’une histoire étonnante, il a noué une amitié pour toujours avec le « roi des forains » : en 1944, le jeune Marcel Campion, 15 ans, sollicite de la femme du général Leclerc, présente aux Tuileries, près des chars de la 2è DB, un document pour son émancipation. Elle le lui apporte le lendemain ; la carrière de Marcel commence. 70 ans plus tard, Pascal fait se rencontrer Marcel et le petit-fils du général commandant la 2è DB, qui habitait en-dessous de ses parents quand il était petit. La 2è DB, où son père a servi. Le monde est bien petit, n’est-ce-pas ?
21 mars 2019