Michel Uffren
et ses trois identités
Souriant et chaleureux, passionné de football auquel il a consacré une partie de sa vie, Michel Uffren est l’un des entrepreneurs de bâtiment de notre village à avoir réussi. Son aura discrète mais réelle, son goût pour le contact et sa passion pour le football l’ont conduit aussi à exercer pendant seize ans la fonction de président de l’Union Sportive Eygaliéroise, une fonction qui ne consiste pas tant à présider qu’à s’engager, à consacrer aux autres de l’attention, du temps et de l’énergie. Par bonheur, il a su faire largement partager cette passion à toute sa famille. Et Michel est « un Uffren », un membre d’une famille à la forte personnalité qui, sous la conduite de ses parents Gilbert et Danielle, s’est fait une place respectée dans notre village, une famille dont les huit enfants ont su trouver leur chemin tout en restant très soudés au fil des années, tous habitant à Eygalières.
Michel est maçon, c’est son identité professionnelle. Il s’est lancé dans ce métier dès seize ans, tout d’abord comme apprenti. Puis il a travaillé plusieurs années aux côtés de Riccardo Del Ponte (voir le portrait de son fils Rénato dans cette Galerie). Celui-ci, dit Michel, lui a tout appris, à commencer par le travail de la pierre et des matériaux anciens, connaissance indispensable à Eygalières : c’était « un très bon maître-maçon ». Lorsque Riccardo a pris sa retraite, Michel s’est mis à son compte, seul puis avec un apprenti. Il avait alors 21 ans. Depuis lors, trente-sept ans se sont écoulés. Le marché local de la construction et de la rénovation s’est développé progressivement pour devenir aujourd’hui florissant, au point qu’il n’est pas nécessaire d’aller plus loin que le village pour réaliser des chantiers. En parallèle, la concurrence s’est également développée. D’ailleurs, le propre frère et le gendre de Michel sont aussi entrepreneurs de bâtiment ; il y en a bien d’autres. Mais il y a manifestement de la place pour tous. En tout cas, grâce à sa compétence, sa capacité de travail et son entregent, Michel a fait prospérer son entreprise. Lui reste passionné par son métier comme au premier jour : « c’est toujours la même activité et cependant chaque chantier est différent, avec son lot de surprises, bonnes ou mauvaises ». Aujourd’hui constituée de six personnes, l’entreprise en a eu jusqu’à une dizaine par le passé. Bien qu’il n’ait pas encore atteint la soixantaine, Michel pense à sa succession : Kévin et Jordan, ses deux fils, se préparent déjà à prendre le relais le moment venu. Bref, Michel est un entrepreneur heureux et, comme chacun sait, « les peuples heureux n’ont pas d’histoire ».
Michel est footballeur, c’est sa passion. Bien entendu, c’est souvent le cas pour les garçons d’un village comme Eygalières. Il s’y est mis dès sept-huit ans, comme « poussin ». Par la suite, il n’a quasiment jamais « enlevé les crampons » jusqu’à l’âge de 40 ans. Certes, pendant une dizaine d’années, le club eygaliérois s’étant mis en sommeil, il a joué à Mollégès. Mais les choses ont retrouvé leur cours normal en 2000 et, quatre ans plus tard, Michel a pris la présidence du club, l’USE, qu’il a conservée jusqu’à l’an dernier. Dans ce petit village qu’est Eygalières, être président signifie faire quantité de choses différentes : piloter, encadrer, rassurer, encourager, organiser, trouver des financements. Et à travers cela contribuer aux succès sportifs. Calme, pondéré, diplomate, la tête bien sur les épaules, Michel y réussit à merveille. Ainsi, à certains moments l’USE a pu se placer quasiment au sommet du classement dans le district (le département), seule sa petite dimension l’ayant empêché d’arriver tout en haut : il lui aurait fallu avoir deux équipes de jeunes, un objectif hors d’atteinte à Eygalières. Ses succès et sa notoriété font qu’en 2008, constituant sa liste pour ce qui sera son premier mandat de maire, René Fontès le sollicite, mais Michel décline cette proposition pour pouvoir continuer à se consacrer pleinement au football.
Etre président, en effet, c’est aussi presque un sacerdoce, auquel on consacre tout son temps libre – les samedis pour l’entraînement, les dimanches pour les matchs. Heureusement, le football est une affaire de famille. En son temps déjà le père de Michel, Gilbert Uffren, avait été président de l’USE. L’épouse de Michel, Michèle, née Feniello, s’est engagée dans l’équipe féminine récemment constituée. Et bien entendu, leurs enfants aussi pratiquent ce sport depuis longtemps.
Dans la famille, la révélation est la benjamine, Manon, aujourd’hui âgée de 24 ans, devenue joueuse professionnelle. Elle aussi a commencé toute jeune, jouant pour commencer avec les garçons, ce qui l’a endurcie, puis engagée à 15 ans au club féminin de Monteux, dans le Vaucluse. Dans une filière sport-études, elle a été retenue avec les vingt meilleures filles de sa génération au Centre national du football à Clairefontaine (Yvelines), où elle a passé son bac. Elle est ensuite partie jouer à Montpellier et est aujourd’hui à Saint-Etienne. Manon Uffren est ainsi devenue une figure du football féminin français – à la fierté de ses parents, même si Michel constate avec quelque regret que les joueuses sont rémunérées environ quelque cent fois moins que leurs collègues masculins …
Michel est un Uffren, c’est son ADN. Il faut vivre à Eygalières pour donner un sens à cette tautologie : « Uffren » n’est pas seulement un patronyme, c’est l’identité d’une famille particulièrement soudée. Au commencement était un couple fondateur, Gilbert Uffren dit Bébert, et son épouse Danielle Beaume. La famille Uffren, originaire du Vaucluse, est installée à Eygalières depuis plusieurs générations. Gilbert, fils d’agriculteurs, épouse après la guerre Danielle, dont la famille de bergers était descendue des hauteurs du Dévoluy dans les années 30. Travail, discipline et solidarité fondent leur vie, comme celle de leurs quatre garçons et quatre filles, qui tous auront un métier leur permettant de vivre bien.
Jusqu’aux années 80, dur à la tâche, Gilbert reste agriculteur comme ses parents. Puis, ayant pris conscience que ce métier ne lui permettrait pas de mettre le pied à l’étrier à ses enfants, il change complètement d’orientation et rachète le Bar du Centre, quasiment le cœur battant du village à l’époque, qu’il tient jusqu’en 1987. Parallèlement, il reprend aussi la principale épicerie du village, qu’il confie à trois de ses enfants. En 1987, il change à nouveau de cap et rachète l’entreprise de terrassement qu’avait créé le père de Marlène Pezet-Soumille (voir son portrait dans cette Galerie). Les dernières années de sa vie professionnelle sont consacrées à une activité à laquelle il a pris plaisir : il tient successivement deux cafés, d’abord à Mollégès puis à Saint-Etienne-du-Grès. Devenu une figure du village, il avait pu mesurer sa popularité en 1977 lorsque, candidat aux élections municipales sur la liste de Félix Pélissier, pour le premier mandat de celui-ci, il avait obtenu le deuxième plus grand nombre de voix, juste derrière la tête de liste.
Pour établir ses enfants, Gibert a acheté des terrains sur la route du Mas d’Aubergue, où plusieurs maisons ont été construites. C’est là, chez Gilbert et Danielle, que s’est longtemps tenu le rite familier du déjeuner de famille dominical, auquel on prenait part à tour de rôle, car les huit enfants, les dix-sept petits-enfants, les douze arrière-petits-enfants étaient trop nombreux pour être tous présents en même temps. Mais Gilbert Uffren s’est éteint en août 2020, à 80 ans.
A l’approche de la soixantaine, Michel Uffren est pleinement épanoui, fier de ses quatre enfants Angélique, Kévin, Jordan et Manon, et de ses cinq petits-enfants. S’il affirme se préparer à lever le pied, on peine à le croire, tant il déborde d’énergie.
20 mai 2021