Eygalieres galerie de portraits

Patrick Ellena

... et le rêve s'accomplit

Pendant quelques semaines en 2008, Patrick Ellena, à la tête de l’une des deux listes aux élections municipales, a vu son visage affiché à Eygalières. Mais il n’avait pas besoin de cela pour y être bien connu, lui l’enfant du village devenu pilote de chasse, lui dont les parents ont tenu le Bar du Centre alors qu’il était adolescent puis jeune adulte. « Profondément provençal », comme il dit, Patrick a mené un parcours de militaire d’active qui l’a le plus souvent éloigné de chez lui. Il n’y a donc rien d’étonnant qu’à l’issue de ses vingt-huit ans de carrière, il ait choisi de revenir s’installer ici pour y vivre une vie qu’il qualifie de « tranquille ». Tranquillité qui ne l’a pas empêché, cependant, d’être un « réserviste » actif de l’armée de l’air ni de s’investir dans des activités associatives. Ni, comme on l’a vu, de se présenter aux élections municipales.

Pourtant, sa discrétion et sa retenue naturelles ne le poussent pas à se mettre spontanément en avant. Mais lorsque, à l’approche des élections municipales de 2008, Félix Pélissier, maire d’Eygalières depuis 1977, décide de ne pas se représenter, Patrick estime que le moment est venu de proposer une alternative, « non pas une révolution mais une évolution ». Il constitue donc une liste qui sera opposée à celle de René Fontès, le dauphin du maire sortant, et mène campagne. Au bout du compte, sa liste « Vivre Eygalières ensemble » est battue, mais pas de beaucoup. Certes déçu, Patrick n’en garde cependant aucune amertume. Il reconnaît en effet les qualités du nouveau maire qui, dit-il, en définitive « a fait ce que nous aurions voulu faire ».

Ce n’est pas à Eygalières que Patrick est né, mais à Rousset, au pied de la Montagne-Sainte-Victoire. Il a cinq ans lorsque sa famille déménage à Cavaillon, où il fera toute sa scolarité. Il en a treize lorsque ses parents installent la famille à Eygalières. Patrick est issu d’une famille italienne qui, comme beaucoup d’autres, a quitté le Piémont voisin, marqué par la pauvreté, pour venir s’établir en Provence. Son père Jacques, né à Chiusa di Pesio, un village de montagne aujourd’hui station de sports d’hiver, est arrivé en France à 4 ans, avec sa famille. Ayant lui-même fondé sa famille, Jacques, chauffeur routier comme son beau-frère, s’établit à Cavaillon, alors important centre de maraîchage. Mais un grave accident les contraint à changer de métier. L’un et l’autre reprendront la gestion d’un bar. Jacques se décide pour Eygalières, où le Bar du Centre, jusqu’alors tenu par Mme Borri fort âgée et son fils handicapé, est à vendre. Avec son épouse, il le rachète en 1965 et le tiendra jusqu’en 1982, date à laquelle le bar sera repris par Gilbert Uffren.

Le Bar du Centre devient alors un lieu très en vue dans le village. Patrick et son jeune frère Jean-Pierre y font de nombreuses rencontres. C’est là que va germer le projet de constituer l’équipe de foot du village. Avec deux amis, « Loulou » Gazotti et Claude Laugier, le coiffeur de l’époque, Patrick alors adolescent et féru de football, va s’y lancer. Pour pouvoir jouer en compétition dans les bons endroits, le club doit être domicilié ailleurs qu’à Eygalières. Qu’à cela ne tienne, ce sera le « Football Club de la Galine », officiellement localisé de l’autre côté de la « 99 ». Mais le vrai siège de l’équipe est au Bar du centre. La mayonnaise prend, le club attire des joueurs de toutes les Alpilles, y compris des personnes qui, dit Patrick, « n’avaient jamais touché un ballon de leur vie ». A la place de ce qui était jusqu’alors une sorte de terrain vague, ils aménagent un véritable terrain de foot. Le club, parti de rien, ancêtre de de l’actuelle Union sportive eygaliéroise, ira jusqu’à la « promotion d’honneur B » et comptera à un moment jusqu’à trois équipes seniors.

Mais la grande affaire de la vie de Patrick, c’est son rêve d’enfant : être pilote dans l’armée de l’air. Comment ce rêve est-il né ? De conversations avec son oncle maternel, Eugène Zucchini, qui y avait accompli son service militaire et lui en avait fait des descriptions semble-t-il irrésistibles. Sans compter qu’à Eygalières et à Cavaillon Patrick voyait passer avec envie le Fouga Magister, l’élégant avion-école à l’empennage en V. Il sait que le chemin sera long, escarpé, pour atteindre son but, sans même être certain d’y parvenir. Il dit aujourd’hui que, s’il n’avait pas pu devenir pilote, il ne serait pas resté dans l’armée. Mais il est travailleur et va s’accrocher. Aussi, dès 18 ans, il part à Rochefort, à l’Ecole de formation des sous-officiers de l’armée de l’air. Il y décroche la compétence d’électronicien de radar de bord, qui va le conduire à une affectation à Dijon, trois ans plus tard.

A cette époque, Patrick épouse Aline Pélissier (voir son portrait dans cette Galerie), elle aussi eygaliéroise, qui va le suivre dans ses différentes affectations pendant une douzaine d’années. Deux enfants naîtront de cette union, Frédéric et Vincent, mais le couple se séparera en 1985.

Pendant son affectation à Dijon, Patrick prépare le concours d’entrée à l’Ecole militaire de l’air, qui lui permettra de devenir pilote. A force de travail, il réussit le concours et va donc se former à Salon-de-Provence, la seule fois où sa carrière militaire l’affectera dans le Sud. Après les deux années d’école, il entame pour de bon sa carrière. Enumérer ses différentes affectations – Tours, Cazaux, Saint-Dizier, Nancy, Metz et Luxeuil – c’est énumérer les différents appareils qu’il va piloter, du Mousquetaire à hélices au Mirage 2000 N (N pour nucléaire) en passant par le Fouga Magister, le T 33, le Mystère IV, le Jaguar, le Mirage III, le Mystère 20, et la progression de ses responsabilités d’élève-pilote à chef de patrouille, le « bâton de maréchal » comme il le dit, en passant par la qualification « chasse ». Ainsi que la progression de ses grades, de sous-lieutenant à colonel. Vers la fin de cette carrière opérationnelle, il est affecté à Metz, à l’état-major de la Région aérienne, au sein du bureau nucléaire tactique. Revenons un instant sur cette carrière : de son admission à Salon en 1975 à la fin de sa mission à Luxeuil en 1995, vingt ans se sont écoulés, avec sept affectations, soit une moyenne de trois ans à chaque fois. Le tout ponctué de déménagements – Patrick dit en avoir fait une dizaine de « significatifs » dans sa vie. Après presque trente ans dans l’armée de l’air, Patrick serait normalement appelé à être muté à l’état-major à Paris, ce dont il n’a nulle envie. D’autant moins d’ailleurs que, en 1993, il a eu la chance d’acheter une maison – sa maison – à Eygalières. Il obtient un dernier poste au Groupement de missiles stratégiques sur le Plateau d’Albion, où il est « chef de quart », puis décide de prendre sa retraite, tôt comme c’est possible pour les militaires d’active. Il a 46 ans.

Pour autant, il ne se met pas complètement au repos. D’une part, pendant plusieurs années, il enchaîne des responsabilités dans la « réserve opérationnelle » de l’armée de l’air, qui entraînent une activité à temps partiel pouvant se transformer en temps plein – voire plus – en cas de nécessité. Il est chef des moyens opérationnels de réserve à Salon, officier de réserve adjoint au commandant de la base de Salon, enfin affecté à la Délégation militaire départementale à Marseille. En parallèle, il s’investit dans la vie associative de son village : il est trésorier des Vétérans de l’Union sportive eygaliéroise, trésorier du festival Calandart à ses débuts. Signalons aussi qu’il pratique un temps l’Aéro-club d’Eyguières, mais voler à 180 km/h n’est pas une vraie source de plaisir pour l’ancien pilote de chasse.

A Eygalières, Patrick a fait la connaissance de Lucie Iasio, qui est devenue sa femme. « Lulu », comme on l’appelle ici, est bien connue dans le village pour l’énergie qu’elle a déployée, entre autres, dans plusieurs cafés et restaurants, comme au sein de l’association des commerçants « La Banaste ».

A un peu plus de 70 ans, Patrick Ellena porte aujourd’hui un regard un peu nostalgique sur son village, tant celui-ci a changé depuis son enfance – ce qu’il évoque bien dans le film sur « la Grand’rue ». Mais il reste pleinement heureux d’avoir pu réaliser son rêve d’enfant, auquel il a consacré la moitié de sa vie, et d’avoir vécu en Provence l’autre moitié de cette vie.

24 novembre 2023