Annette Petralia
La joie de vivre au service des autres
Annette Petralia respire la joie de vivre et une énergie communicative. Après une longue vie professionnelle au contact de ses clients, elle s’est mise au service des autres en animant depuis deux ans « Le Bel Age » à Eygalières, association qui propose services et activités à ceux qu’on appelle aujourd’hui les « seniors ». Native d’Eygalières et très attachée à son village, elle l’a cependant quitté pendant trente ans pour mener avec son mari une vie d’entrepreneurs au plus près des gens.
En effet, son histoire, c’est d’abord une histoire d’amour. Antonino est originaire de Catane, sur la côte orientale de la Sicile, au pied de l’Etna. A l’âge de 15 ans, il est arrivé en France avec ses parents, qui se sont établis à Châteauneuf-du-Pape. Il est cuisinier de profession. Elle a 20 ans, lui en a 25 lorsqu’ils se marient. L’un et l’autre sont animés d’un fort esprit d’entreprise, ils ont le courage et l’audace pour entreprendre, la capacité à inventer, la force de repartir de l’avant quand les choses vont mal. Et ils sont complémentaires : la compétence en cuisine pour Antonino, le sens de la clientèle et du service pour Annette. Il est vrai que celle-ci a de qui tenir : sa mère Adrienne a ouvert en 1954 « le Lion d’Arles », un commerce alimentaire dans le centre du village, qu’elle a tenu pendant une quinzaine d’années. Enfant unique, orpheline de son père décédé alors qu’elle n’avait que six ans, la jeune Annette était souvent aux côtés de sa mère. Ainsi, elle a fait la connaissance de toute la population de l’Eygalières d’alors – un village bien pauvre et délaissé. Elle y a pris le goût du contact avec les gens, le goût du commerce aussi, et a compris ce qu’il fallait faire pour réussir.
Très jeune, à 16 ans, elle passe un CAP de coiffeuse et ouvre son salon, à proximité du Lion d’Arles mais de l’autre côté de la rue. Elle va y rester cinq ans, au service des autres, avant que son mariage avec Antonino ne l’entraîne sur d’autres chemins.
A Eygalières, il n’y a pas de possibilité de travail pour un cuisinier. Ils vont donc s’installer à Châteaurenard ; ils y créent un premier restaurant, qui marche bien. Annette, qui, dit-elle « ne savait pas faire cuire un œuf » quand elle était jeune, va apprendre la cuisine aux côtés de son mari et tous deux apprennent à gérer. Après cette première expérience, ils ouvrent un deuxième restaurant, de l’autre côté du Rhône, à Saint-Gilles. Là aussi, le succès est au rendez-vous. Entretemps, leurs deux filles sont nées ; la gestion au quotidien d’un restaurant est chose lourde, peu compatible avec une vie de famille. Du coup, ils s’inventent une nouvelle activité : ils créent une entreprise de production de pizzas surgelées. Mais les ennuis commencent, sous la forme d’un gros impayé ; ils doivent renoncer. Cela ne les décourage pas pour autant, leur esprit d’entreprise reprend le dessus : ils ouvrent un nouveau restaurant à Châteaurenard. Cependant, quelques mois plus tard, ils sont victimes ensemble d’un terrible accident de voiture : trois mois d’hôpital, trois mois de rééducation. Il n’est plus question de reprendre une activité aussi intense, d’autant moins qu’Antonino ne se remettra jamais complètement de son accident.
Pour Annette, c’est le retour aux sources. On est en 1995, elle a 50 ans ; elle se réinstalle avec son mari à Eygalières – dans un village qui a repris des couleurs depuis qu’elle était partie - et s’invente une nouvelle activité : elle va cuisiner chez elle pour des clients extérieurs. Recettes provençales, recettes siciliennes, tout ce qu’elle cuisine plaît à sa clientèle, faite de personnes qui sont ravies de pouvoir passer prendre leur déjeuner ou leur dîner chez Annette. Celle-ci travaille aussi quelque temps chez le luthier Etienne Vatelot et sa femme. Annette est heureuse de retrouver son village, où elle a connu tant de monde quand elle était jeune. Elle relève avec humour que les plus âgés l’ont parfois prise pour sa mère, qui avait laissé un très bon souvenir au Lion d’Arles, dont plusieurs Eygaliérois se souviennent bien. Mais c’est aussi une période difficile pour Annette, et plus encore pour son mari, qui accumule les ennuis de santé et qui décèdera d’un cancer généralisé en 2012, à 72 ans. Annette poursuit son activité professionnelle jusqu’en 2016.
Elle n’imagine pas qu’elle puisse ne rien faire mais n’a pas vraiment le temps de s’interroger sur l’utilisation de son temps. Le « foyer du 3è âge » est en déshérence. Longtemps animé par l’épouse de l’ancien maire Félix Pélissier, « le foyer », comme on dit, est déserté : en 2016, il n’y a plus que quatre personnes pour prendre part aux activités. Le maire, René Fontès, lui demande de s’y investir. Annette hésite un peu, elle aurait préféré être une « simple » bénévole. Mais autour d’elle, ses amies – au premier rang desquelles Magali Anglada (voir son portrait dans cette Galerie) - la pressent de s’engager, confiants dans sa capacité à entreprendre et à mobiliser. Annette devient donc « déléguée » (elle préfère cette appellation à celle de présidente) du Foyer, rebaptisé « Le Bel Age » à la demande du Conseil départemental, qui pilote le réseau auquel l’association est affiliée. Annette réunit autour d’elle une équipe, constituée pour l’essentiel de femmes, mais avec une exception un peu …. exceptionnelle pour un village provençal : le trésorier est un Britannique qui habite à Eygalières depuis trois ans. L’esprit d’entreprise d’Annette fait le reste. Deux ans plus tard, l’association a 130 adhérents et multiplie les activités qui leur sont proposées. Il y en a de traditionnelles : concours de boules, séances de cinéma, repas dansants, lotos, … Et de nouvelles : début 2019 vont commencer les cours d’informatique, très attendus par beaucoup. L’association prépare aussi un repas festif du Nouvel An, une nouveauté. A l’image de la population du village, les adhérents sont très divers dans leurs origines et leurs parcours. Ce dynamisme nouveau attire aussi des habitants des villages voisins, mais Annette doit veiller à modérer cette appétence, qui pourrait générer des jalousies qu’elle ne souhaite pas.
Annette est ce qu’on appelle une « Eygaliéroise de souche » ; elle est née Pélissier, une des familles du village bien connues à travers ses nombreuses ramifications. Pour nos lecteurs non eygaliérois, signalons que Félix Pélissier, le précédent maire, décédé en juillet 2018, avait occupé ces fonctions pendant trente et un ans, de 1977 à 2008. Les Pélissier comptent à Eygalières, mais Annette observe que ce nom de famille tend à se faire rare : après plusieurs générations nombreuses en garçons, la sienne ne comporte presque que des filles.
Amoureuse de son village, pour autant elle ne fait pas sien le slogan « Eygalières aux Eygaliérois », que certains formulent dans leur tête et parfois verbalement. Elle a vécu son enfance et son adolescence dans un village qui se dépeuplait ; elle a aimé ce village mais, comme elle dit, « il fallait le vouloir ». Elle est consciente de ce que l’ouverture a apporté au village. Elle-même s’en est éloignée pendant trente années de sa vie, même si elle n’a pas déménagé très loin, devenant ainsi à son retour la source d’une ouverture supplémentaire pour Eygalières. Elle s’est également souvent rendue en Sicile, à laquelle son mari était fidèle, y retournant régulièrement, même pour plusieurs semaines lorsqu’il ne travaillait plus. Et leurs voyages aboutissaient souvent en Italie, comme si son pays d’origine jouait pour Antonino le rôle d’un aimant inconscient mais puissant. Annette s’est laissé prendre sans mal – voire avec plaisir - à cette attirance. D’ailleurs, dès le début de son mariage, elle a appris l’italien ainsi que le sicilien, la seule langue dans laquelle s’exprimait sa belle-mère.
Aujourd’hui, Annette Petralia est heureuse d’avoir à proximité d’elle ses deux filles, ses trois petits-enfants et son arrière-petite fille. Elle est heureuse de mettre au service de son village toutes ses qualités et son plaisir à aider les autres. Le sourire rayonnant qu’elle affiche souvent en est un témoignage éloquent.