Eygalieres galerie de portraits

Luc Daures

La passion de l'escalade

Longtemps, Luc Daures a eu une passion unique, une passion en forme de raison de vivre : l’escalade. Cette passion ne l’a pas quittée, c’est elle qui l’a incité à créer en 2018, avec quelques amis, M’EygaGrimpe, le club d’escalade d’Eygalières. Mais il a aussi d’autres passions aujourd’hui, à commencer par la famille qu’il a fondée avec Marion Goudet, ses trois jeunes enfants. Et son métier dans l’industrie aéronautique, pour lequel il se passionne également et qui lui donne l’occasion d’aller à la découverte d’autres cultures, stimulant son imagination et sa réflexion.

Qu’est-ce-qui peut bien pousser un enfant d’une dizaine d’années à vouloir à tout prix pratiquer une activité – en l’occurrence l’escalade – dont on n’a quasiment jamais entendu parler dans sa famille, qui habite Valence ? Lui-même ne sait pas répondre à la question. Certes, son grand-père avait pratiqué la montagne et peint à l’aquarelle des paysages alpins, qui tapissaient les murs de la maison où il vivait. Beaucoup plus tard seulement, il a appris que sa grand-mère, décédée alors qu’il était encore un jeune enfant, avait été une des premières femmes à pratiquer l’escalade. Facteur génétique ? Peut-être. Toujours est-il que, à partir de ses 10-12 ans et jusqu’à l’âge adulte, l’escalade va structurer sa vie. Dans un premier temps, il fait partie d’un groupe d’enfants qu’un guide de montagne habitant Valence emmène grimper sur des falaises. Puis, progressivement, apparaissent les « murs », qui permettent de pratiquer l’escalade sans devoir partir en montagne. Un groupe soudé se constitue, composé d’adolescents et d’adultes qui s’émulent entre eux. Pour Luc, l’escalade devient sa « raison de vivre », il y consacre tous ses week-ends, toutes ses vacances scolaires. Il participe à des compétitions internationales, il voyage beaucoup : Afrique du Sud, Etats-Unis, plus souvent encore en Europe, Espagne, Slovénie, etc … Il est devenu « sportif de haut niveau ». Avec ses copains, il monte à Valence un club d’escalade, « Mineral Spirit », aujourd’hui l’un des plus importants en France. Et il dit : « j’ai eu une jeunesse incroyablement bien remplie, que je souhaite à beaucoup d’enfants ».

Après le lycée à Valence, il faut bien choisir une orientation. Luc a toujours aimé la technique, il a beaucoup joué au Lego ; il choisit des études d’ingénieur. Mais si, à 18 ans, il s’inscrit à l’INSA de Lyon, c’est parce qu’il s’agit de la seule école qui lui permette un cursus aménagé pour poursuivre son activité sportive : sept ans au lieu de cinq pour obtenir le diplôme.

Mais au fait, que trouve-t-il dans l’escalade ? Spontanément, on associe ce sport – qui sera discipline olympique en 2020 – à la force physique, aux risques, à la présence du vide, à des conditions extrêmes. Selon Luc, la réalité est toute différente. Il s’agit d’abord d’équilibre, de concentration sur soi-même, de coordination des mouvements, de recherche de solutions face à une paroi. Il s’agit aussi de partage car, même en situation de compétition, on échange entre sportifs sur les difficultés rencontrées et sur les solutions trouvées. Sans oublier qu’en cordée, au bout d’un filin, la vie de l’un dépend de l’autre : la confiance réciproque est une condition sine qua non. En définitive, c’est un sport complet, qui repose au moins autant sur les capacités mentales et psychiques que physiques. Un sport individuel qui se pratique à plusieurs.

Devenu ingénieur, Luc choisit de se spécialiser dans la mécanique vibratoire, tant par intérêt pour le sujet que parce qu’il est fasciné par les hélicoptères, un des principaux champs d’application de cette matière. Mais il n’oublie pas l’escalade pour autant. Il a 25 ans, il s’installe à Aix-en-Provence où il va, une fois encore, tout combiner. D’un côté, il est inscrit au CREPS, établissement de formation sportive. De l’autre, il prépare au Laboratoire des Arts et Métiers d’Aix une thèse de DEA sur le diagnostic vibratoire, c’est-à-dire la surveillance des « machines tournantes » (essentiellement les hélicoptères), une thèse appliquée, donc réalisée en alternance entre Aix et Marignane, où est implanté Eurocopter (aujourd’hui Airbus Helicopters) qui le prend en stage. Deux ans plus tard, Luc y sera embauché, et il travaille toujours dans cette entreprise.

Entretemps, il a rencontré à Aix Marion Goudet, qui y fait ses études de droit et va ensuite y travailler comme juriste d’entreprise. Marion est issue d’une famille eygaliéroise de longue date ; son grand-père Lucien, frère aîné de Francinette Perrot (voir son portrait dans cette Galerie), a été le secrétaire de la Mairie pendant de nombreuses années. Deux enfants leur naissent alors qu’ils habitent à Aix-en-Provence ; leur appartement se fait étroit. Fin 2010 ils décident de s’installer à Eygalières, d’abord au centre du village dans une maison appartenant à la famille. Puis ils déménagent à proximité des parents de Marion, dans une « cabane » provisoire et enfin dans la maison qu’ils ont fait bâtir sur ce terrain.

A Eygalières en 2017-2018 se construit une belle salle des sports, dont la mission est de contribuer à fixer les jeunes dans le village. Avec d’autres parents d’élèves naît l’idée de créer un club d’escalade. En accord avec la Mairie, l’association conçoit le mur d’escalade qui va être installé dans ce bâtiment. Fondée sur le bénévolat, M’EygaGrimpe, animée par Luc et sept autres parents d’élèves, est créée en juin 2018 et fonctionne effectivement depuis le printemps 2019. Une quarantaine d’enfants, pour la plupart des élèves de l’école, apprennent à escalader sous la supervision de deux moniteurs professionnels. C’est un grand succès, Luc est heureux de pouvoir partager sa passion, même s’il aimerait voir participer également des adolescents et de jeunes adultes. Et comment ne pas relever qu’Arthur, le troisième fils de Marion et Luc, après Martin et Victor, est né alors que le club faisait ses premiers pas ? Un autre bonheur.

Dans les premières années de sa carrière chez Eurocopter, il a travaillé sur le diagnostic vibratoire appliqué aux hélicoptères : contrôle des pratiques, réglage des rotors, explication des problèmes lorsque ceux-ci surviennent. C’était aussi la responsabilité, lourde, d’autoriser ou non un décollage lorsque le pilote relève un signal d’alerte… Dans ces fonctions, Luc partait pratiquement toutes les deux semaines pour un pays étranger, lointain le plus souvent. C’était un mode de vie peu compatible avec sa famille et avec la pratique de l’escalade même vécue plus comme un loisir que comme un sport. Il y a maintenant huit ans, il a donc changé d’activité afin de travailler sur le développement d’un tout nouvel appareil, pour lequel il est aujourd’hui chargé du déploiement du réseau de soutien : formation des utilisateurs, systèmes de maintenance, gestion des pièces détachées, ... Responsable du Japon, demain sans doute d’autres zones aussi, Luc s’est remis à voyager, s’efforçant cependant de limiter ses déplacements. Le contact avec des cultures, des relations interprofessionnelles, des modes de communication différents, l’interpelle et le stimule. Il n’oubliera pas de sitôt cet épisode où, chargé d’assurer en langue anglaise une formation en Chine, il s’est aperçu au bout de deux jours seulement qu’aucun de ses élèves ne comprenait l’anglais, ce dont personne ne l’avait averti… Au Japon, il s’est initié à des modes de communication entre les gens différents de ceux auxquels il est habitué.

A 42 ans, Luc Daures est un homme heureux. Jusqu’à la trentaine, il a vécu dans des villes, à taille humaine certes ; il n’avait jamais imaginé être capable d’habiter un village en permanence. Et pourtant, il est heureux de s’être installé à Eygalières, de vivre avec sa famille dans sa maison lumineuse entourée d’oliviers. Il pratique le sport qui le passionne et qu’il peut maintenant transmettre. Il travaille sur des appareils qui le fascinent, avec des responsabilités qu’il apprécie. Grâce à celles-ci, il découvre des aspects toujours nouveaux dans des pays différents. Que demander de plus ?

31 décembre 2019