Eygalieres galerie de portraits

François-Xavier Arnihac

De l'amour des chevaux à la passion de l'olive

De l’amour des chevaux à la passion de l’olive, le raccourci est rapide mais il illustre bien le parcours de François-Xavier Arnihac, qui a réalisé en peu d’années une reconversion pleinement réussie, obtenant le titre envié de maître moulinier, reconnu de ses pairs et capable de conduire plusieurs activités en parallèle. Enfant, il a découvert Eygalières à l’occasion des fêtes votives, où il montait à cheval et faisait face aux taureaux « quand c’était permis ». Il y est revenu régulièrement, puis a entrepris il y a huit ans de développer l’activité oléicole du domaine de la Vallongue, qu’il a quasiment créée ex nihilo avec succès. Aujourd’hui prestataire de services, il a diversifié ses champs d’intervention, au bénéfice d’autres domaines et pour lui-même également. François-Xavier respire l’énergie, l’intelligence et la confiance en sa bonne étoile : au milieu des oliviers, sous le ciel lumineux du Midi, il est dans son élément, en harmonie avec lui. Pourtant, quoique baigné dans la culture rurale dès sa plus tendre enfance, il n’était pas prédestiné à devenir un spécialiste de l’olive : c’est à un cheval qu’il doit d’avoir trouvé la passion de sa vie.

Bien qu’il soit né à Marseille, ses racines se trouvent plus à l’Ouest, dans le village de Saint-Félix, au pied du Larzac, où sa famille pratiquait la viticulture depuis des générations. Cet héritage a sauté une génération avec Christian Arnihac, son père : dans les années soixante, le vin du Languedoc se vendait mal, aussi est-il devenu chirurgien, profession qu’il exerce toujours. François-Xavier, lui, s’est d’emblée inscrit dans la tradition familiale en étudiant la viticulture et l’œnologie au Lycée agricole d’Orange, avant de travailler dans différentes exploitations agricoles pratiquant la grande culture et l’élevage.

Depuis toujours, le cheval est source de passion dans sa vie. Lorsqu’il est enfant à Aix-en-Provence, ses parents Christian et Colette et leurs sept enfants ont des chevaux « pour le plaisir ». Aujourd’hui, François-Xavier habite près de Nîmes, à deux pas de la Camargue, où Jean-Paul Guinle, son beau-père, aujourd’hui décédé, a créé un élevage de chevaux, la Manade de l’Aven, que François-Xavier et son beau-frère ont repris. Il a transmis cette passion à ses trois enfants, qui s’y s’adonnent volontiers le week-end. Et c’est un accident de cheval qui a conduit François-Xavier à infléchir sa vie vers l’olive.

En effet, à 31 ans, c’est ce grave accident qui lui interdit de travailler pendant quelques mois. En fait, c’est la chance de sa vie, qu’il va saisir sans hésitation – hésiter ne semble d’ailleurs pas tellement dans sa nature -, sans mesurer l’importance de la trajectoire sur laquelle il va ainsi se placer. Il n’est pas du genre à rester inactif (à propos de sa vie d’aujourd’hui, il dit joliment « on n’use pas trop le canapé »), aussi dès qu’il apprend qu’un cousin de son père cherche un chef de culture pour sa propriété oléicole au-dessus de Montpellier, consacre-t-il illico sa convalescence à une formation à Saint-Rémy-de-Provence. Son professeur est Jean-Pierre Lombrage (voir son portrait dans cette Galerie), qui l’accompagnera encore par la suite. François-Xavier se met au travail dans cette propriété très complète puisqu’à côté de 23 hectares d’oliviers, elle comporte un moulin et une confiserie (pour les olives et la tapenade). Il va y rester trois ans, approfondir ses connaissances, atteindre les objectifs qui lui ont été fixés, puis partir voir ailleurs. Après une saison au moulin Saint-Jean à Fontvieille, un autre défi se présente à lui : le nouveau propriétaire du domaine de la Vallongue à Eygalières veut développer sa partie oléicole. Cette mission va représenter le premier « grand œuvre » de François-Xavier, et c’est aujourd’hui sa carte de visite : aux côtés de Marlène Pezet-Soumille qui se consacre au vin (voir son portrait dans cette Galerie), il fait passer l’oliveraie de 30 à 100 hectares, crée le moulin, produit une huile positionnée à un excellent niveau de qualité, assez haut de gamme, avec une identité reconnaissable et constante dans le temps.

Formé à l’origine à la viticulture et à l’œnologie, François-Xavier est ainsi devenu oléiculteur et oléologue – ainsi nomme-t-on la personne qui élabore le produit fini, à l’instar de l’œnologue et du maître de chai pour le vin. Tout comme pour le vin, le processus est complexe et les huiles ainsi élaborées peuvent être très différentes les unes des autres, tant en termes de qualité que de goût. De nombreux facteurs contribuent à leur personnalité : en amont, la proportion de chaque variété dans la plantation (quatre variétés d’olives sont autorisées pour l’appellation de la Vallée des Baux), la manière de tailler, le moment de la récolte, le temps qui s’écoule entre la récolte et le passage au moulin, le mode et la durée de la trituration, le réglage des machines. Il s’agit d’atteindre la qualité et le goût recherchés et, plus difficile, de maintenir ces caractéristiques d’une année sur l’autre pour chaque cuvée, malgré la variation des conditions météorologiques. C’est tout cela qui constitue « la patte » du moulinier. François-Xavier a été intronisé « maître-moulinier » en 2016. Ils sont peu nombreux : il n’y a que quatorze moulins dans la vallée des Baux, qui représente pourtant 10 % de la production nationale d’huile d’olive. En une année, François-Xavier crée donc le moulin de la Vallongue, ouvert à d’autres olives que celles du domaine, à la demande de Christian Latouche, son propriétaire : « j’ai investi et je veux que les gens d’Eygalières profitent de mon investissement », a-t-il dit à François-Xavier un mois avant l’ouverture de la première saison. Cette année-là, en 2015, ce sont 165 tonnes qui ont été triturées, dont la moitié ne provenaient pas du domaine. Les années suivantes, la proportion est restée la même, mais sur des volumes compris entre 250 et 650 tonnes.

Après cinq ans comme salarié de la Vallongue, François-Xavier décide de diversifier son expérience et de proposer son savoir-faire à d’autres. Il se positionne ainsi comme prestataire de services, tout en restant l’acteur de référence dans l’activité oléicole de la Vallongue. Il sait en effet que, dans la profession, son nom et sa réputation sont associés à cette réalisation. Prestataire de services, il intervient aujourd’hui sur plusieurs propriétés, à Eygalières, dans les Alpilles, voire dans le Luberon ou le Gard : on lui fait confiance. Sa réputation dépasse même les frontières nationales : présent il y a deux ans sur le salon de Jaén en Espagne, l’événement mondial dédié à l’olive, il y a rencontré le dirigeant du numéro un mondial, Finca La Torre, qui, après une dégustation comparée, lui a fait part de son appréciation. Lors de ce salon, cinq cuvées françaises ont été sélectionnées, dont la sienne.

Au fond, ce spécialiste de l’olive est d’abord un homme qui aime entreprendre, relever les défis. Entreprendre pour les autres, c’est bien, c’est gratifiant, il a montré qu’il savait le faire avec succès et il ne va pas s’arrêter en chemin. Mais François-Xavier s’est dit aussi que, s’il avait réussi pour d’autres, il pouvait certainement réussir aussi pour lui-même. D’ores et déjà, il a créé « sa » marque d’huile (L’Esperelle, l’espoir en occitan, le nom de la maison où il a grandi) ; il a acquis quelques terres à proximité de la Camargue. Son rêve maintenant est d’avoir un jour son moulin, un rêve difficile à réaliser compte tenu du coût de l’investissement et de la difficulté à trouver un lieu qui lui convienne dans le bon environnement ; le prix du foncier dans les Alpilles ne facilite pas les choses. Mais, ambitieux et réaliste, François-Xavier y réfléchit sérieusement et, le connaissant, il y a peu de doute qu’il y parviendra. Il est entreprenant certes, mais cela ne l’empêche pas de consacrer du temps et de l’attention à sa famille, à sa femme Isabelle, à son aîné Quentin qui, à 21 ans, est devenu ferronnier d’art, et aux deux plus jeunes, Clémence et Juliette.

D’un mal il peut naître un bien. François-Xavier Arnihac l’a prouvé. Grâce à son esprit positif, à son travail et à sa détermination, il s’est construit une vie où il parvient ainsi à concilier avec bonheur tout ce qui contribue à son équilibre personnel : son activité professionnelle intense, l’attention portée à sa famille et la passion des chevaux depuis toujours.

25 mars 2021