Eygalieres galerie de portraits

Christine Klose

Le trait d'union

C’était il y a plus de 30 ans. Christine Klose et son mari Harald, arrivant du Nord, Valenciennes, Lille, découvrent Eygalières. Ils tombent sous le charme. Christine arpente cette rue de la République alors peu animée : c’est l’époque où le village a perdu des forces vives, parties chercher du travail ailleurs. Les commerces ont du mal à survivre. Commerçante dans l’âme, Christine repère un dépôt de presse. A vendre. Il ne lui en faut pas plus pour commencer à rêver. Harald a des doutes. Lui, l’ancien footballeur professionnel devenu avec sa femme patron d’un prospère café-brasserie-PMU au centre de Lille, est un homme du concret : quelle clientèle, quel chiffre d’affaires ? Mais Christine est une battante. Elle a la volonté d’entreprendre chevillée au corps… Et c’est parti !

Elle n’a pas de modèle, mais une référence en la personne de Suzanne Manachem, ancienne journaliste parisienne établie depuis longtemps à Eygalières, qui y a ouvert une galerie de peinture. Suzanne, une figure de l’époque, qui prenait son petit noir au Bar du Centre en fumant cigarette sur cigarette…

Souvenez-vous : dans le petit espace qui se limitait à la presse régionale, on trouve bien vite la presse nationale, puis des livres. Le magasin s’agrandit, devient une vraie librairie. Christine y organise des événements : signatures de livres, expositions de photos,.. Les résidents secondaires prennent leurs habitudes, des liens se nouent avec la libraire toujours aimable, toujours à l’écoute, qui comprend leurs besoins, est toujours prête à les aider. Quant aux habitants du village, ils savent qu’en plus de leur journal habituel, ils trouveront des articles de papeterie, et… des conseils de lecture. Christine écoute, enregistre les désirs et les besoins, et ouvre un cahier, LE cahier. Magique point de rencontre entre offres et demandes de toutes natures, c’est un quasi-service municipal qui nait. Quand on cherche, on va à la Maison de la presse et on trouve.

En 1999, 13 ans après son installation à Eygalières, Christine Klose décide de vendre la Maison de la presse, qui exige d’elle et de son mari un travail devenu pesant avec les années. Elle jette alors son dévolu sur une maison située presque en face, avec l’intention d’en faire un magasin consacré à la décoration et au cadeau. Même scénario : en dépit de tous les conseils de prudence que lui prodigue son environnement, à commencer par son mari, elle se lance et ouvre La Maison d’Anaïs, qu’elle conservera dix ans. Les deux premières années vont être difficiles sur le plan financier, ensuite le magasin aura trouvé son positionnement et sa clientèle, tant auprès des habitants permanents du village que des résidents secondaires et des touristes de passage.

On aura compris que le commerce, Christine l’a dans le sang. Au sens propre : son père Emile Vilette, représentant de commerce, « était capable de vendre n’importe quoi », selon son patron de l’époque. Mais elle, elle ne vend pas « n’importe quoi » : les livres, elle les a aimés dès l’enfance, et à Lille, le Furet du Nord était l’un de ses lieux de prédilection. Et les arts de la table, les produits de l’artisanat provençal, la déco de la maison, c’est aussi son truc. Quant au commerce, pour elle, c’est d’abord le contact avec les gens, le plaisir de la relation et de l’échange, le goût de rendre service, le besoin de créer de l’animation. Le tout avec un vrai savoir-faire professionnel.

D’innombrables initiatives

Alors, pendant ces 23 années d’activité professionnelle à Eygalières, avec son énergie souriante, Christine multiplie les initiatives, impossible de les énumérer toutes. D’abord dans le cadre de la librairie avec ces événements qu’elle organise et où il lui arrive d’obtenir des succès aussi réels qu’inattendus, comme cette signature pour laquelle la file d’attente allait « jusqu’à la mairie », et à l’occasion de laquelle elle vend 500 exemplaires du livre. L’auteur, Jean Montaldo, en reste ébahi, il n’a jamais vu ça.  Elle a l’art de voir ce qui fait défaut au village et y remédie : au lieu de laisser les touristes se satisfaire des cartes postales habituelles, elle décide de faire faire des prises de vue aériennes d’Eygalières à partir d’une montgolfière, ce qui était très innovant à l’époque. Et ces photos, elle les fait agrandir, monter sur des supports, elles deviennent des objets décoratifs. Elle pense aussi que les commerçants d’Eygalières auraient intérêt à s’associer : en valorisant le village, ils y attireraient encore plus de monde. Et la Banaste voit le jour en 1997. Autre exemple d’implication dans le village, Christine est correspondante de « La Provence » de 1987 à 2012.

Travaillant avec les associations, offrant son concours, Christine est partout. Elle est un « trait d’union » entre Eygaliérois, pour reprendre une expression formulée lorsqu’on lui remettra la Médaille de la ville. Quand je suis allé l’interroger, Christine m’a cité un propos de Félix Pélissier, le prédécesseur de René Fontès à la tête de la municipalité : « Eygalières, c’était la Belle au Bois Dormant. Christine est arrivée, elle a sorti sa baguette magique, et tout s’est animé. »

En deux décennies, la physionomie du village a changé, au gré de l’arrivée du TGV, de l’installation de personnalités connues du monde du spectacle et des médias, du développement du tourisme. A la Maison de la presse puis à la Maison d’Anaïs, Christine Klose bénéficie de ces changements, en même temps qu’elle y contribue : elle se lie avec tous, elle apporte son concours à tous. Aux nouveaux arrivants, qui lui en sont reconnaissants, elle « explique » Eygalières. Elle a le sentiment d’être au service du village sans exclusive et, au fond, « d’être du village » bien qu’elle n’y soit pas née. Depuis des années, d’ailleurs, elle contribue bénévolement, « petite main » comme elle dit, au travail de l’Office municipal de la culture.

Un engagement enthousiaste et sincère

C’est pourquoi, lorsqu’à l’approche des élections municipales de 2008, une équipe se constitue autour de René Fontès, en faire partie, comme le lui propose le futur maire, lui paraît tout naturel : c’est juste la continuation, sous une autre forme, de ce qu’elle a toujours fait au et pour le village. Mais, au premier tour, c’est un choc : Christine est la seule à ne pas être élue, il faudra donc un second tour pour elle seule. Déçue, elle est tentée de renoncer. René Fontès ne l’entend pas de cette oreille : il veut « toute son équipe ». Christine se maintient et est largement élue au second tour.

Cette rebuffade, Christine la vit mal. D’autant plus qu’elle ne s’y attendait pas. Elle n’a jamais ménagé sa peine et s’est engagée avec enthousiasme et sincérité. En aurait-elle fait trop ? Aurait-elle bousculé certains ? Et puis, quel que soit son engagement pour le village, elle n’est pas d’Eygalières…

Elle accomplit un mandat au Conseil municipal avec René Fontès et ne se représente pas en 2014. Ce qui ne l’empêche pas de continuer son activité bénévole à l’Office municipal de la culture, notamment pour les publications de la Mairie, le « Pichot Journau » et « L’Armana », avec d’autant plus d’énergie qu’elle a cessé son activité professionnelle en 2009.

Christine Klose affiche fièrement « 50 années de commerce », dont 23 à Eygalières. Au-delà de cette activité professionnelle, elle est de celles et ceux qui ont contribué à forger la physionomie de l’Eygalières d’aujourd’hui, un village vivant, dynamique, attractif. C’est certainement tout cela que le maire a souhaité reconnaître lorsqu’il lui a remis la Médaille de la ville en janvier 2016.

19 mars 2018