Eygalieres galerie de portraits

Denis Granier

L'archéologie, le béton et les boules

Depuis vingt ans, Denis Granier est le président de la « Boule Eygaliéroise », sans doute le club sportif le plus nombreux du village, et l’un des plus importants clubs boulistes de tous les villages du département. Travailleur, rigoureux, excellent organisateur, Denis a su donner un tour professionnel à cette association sympathique, qui attire des joueurs de toute la région. En dehors des samedis et dimanches, où il officie sur le boulodrome, Denis est fort occupé à entretenir son jardin, son potager, ses arbres : il n’est pas fils d’agriculteurs pour rien. Outre sa famille et ses racines terriennes, son parcours repose sur trois piliers : sa carrière professionnelle de quarante ans au sein de l’Office départemental HLM de Vaucluse ; sa passion pour l’archéologie ; son engagement bouliste.

Son engouement pour l’archéologie s’est manifesté très tôt. Denis fréquente à l’époque l’Ecole communale d’Eygalières. Son instituteur, Maurice Pezet, figure marquante du village, organise régulièrement pour ses élèves des sorties dans les environs, afin de les initier à l’histoire des lieux et aux traces laissées par l’occupation des hommes depuis la préhistoire. En ces occasions, on découvre parfois des vestiges, des silex taillés, des pierres. Maurice Pezet décèle alors chez le jeune Denis une fibre de prospecteur et l’incite à poursuivre dans cette voie. Le moment venu, il l’envoie d’ailleurs à Aix-en-Provence dans l’idée de lui faire faire des études d’archéologie. Mais ses parents n’ont pas les moyens de financer des années d’études supérieures. Ce rêve d’enfance, il ne peut donc en faire sa profession, mais il n’y renonce pas pour autant : adulte, le rêve le poursuit. A 24 ans, il épouse Maryvonne Petry, originaire de Tarascon, dont le père tenait la coopérative à la Gare de Mollégès. Il l’entraîne dans sa passion et, ensemble, ils vont parcourir le monde pour découvrir des sites chargés d’histoire. A raison d’un ou deux voyages par an, ils visitent l’Amérique latine, l’Extrême-Orient, l’Inde du Nord et du Sud, le Moyen-Orient, et bien sûr l’Europe. Il est rare que Denis n’en revienne pas avec quelque petit souvenir tangible, un objet qui l’a fasciné et qui se rattache au passé : un bouton, une clochette, une pierre. De retour chez lui, il les revisite pour se remémorer les découvertes qu’il a faites.

Face aux réalités de la vie, Denis s’engage tôt dans la vie active. Il passe son bac puis un BTS à Marseille, et part ensuite faire son service militaire. Après des classes plutôt rudes à Metz, la suite de son service est atypique : il est affecté à Belfort dans un entrepôt de l’armée où, avec deux autres appelés, il prépare toutes sortes de colis pour approvisionner les nombreuses casernes de la région. Les choses sérieuses commencent ensuite : sitôt de retour chez lui, il est embauché à l’Office départemental des HLM de Vaucluse. Il a 22 ans. La diversité des activités exercées au sein de cet Office va lui permettre d’y évoluer de l’une à l’autre, mettant en œuvre son appétence pour le travail, sa rigueur, sa minutie et sa capacité d’adaptation, au point qu’en quarante années il y déroule une véritable carrière marquée par une belle progression : recruté comme adjoint technique de la Fonction publique territoriale, il termine comme cadre A, ingénieur principal.

Quarante ans de carrière dans la même institution, avec des fonctions techniques assorties de responsabilités croissantes, dans un environnement où il faut s’accommoder de décisions parfois prises pour des raisons politiques, auxquelles on ne souscrit pas nécessairement. Denis sait s’adapter tout en restant lui-même : « j’ai un caractère un peu direct, j’aime les choses droites, bien faites », dit-il. Il assume les unes après les autres des responsabilités très diverses et de plus en plus importantes : gestion et entretien du parc de HLM ; plus tard gestion des approvisionnements de l’Office départemental : vêtements de travail, outils, matériaux, prestations extérieures. Puis c’est la comptabilité et le financement du service, à une autre période les travaux de réhabilitation du parc. Pendant quelques années, Denis est le chef d’une « agence », l’une des implantations locales de l’Office chargées de la gestion au quotidien des logements : entretien du parc immobilier, relations avec les locataires ; il est alors responsable de quelques 2000 logements, ce qui n’est pas une mince affaire et exige à la fois fermeté et diplomatie. Mais le point d’orgue de sa carrière, qui s’étend sur les quinze dernières années, c’est le montage des opérations de construction ou de reconstruction de logements sociaux : une lourde responsabilité, complexe et multiforme. Elle va d’un premier contact avec les maires qui mettront un terrain à disposition jusqu’à l’engagement des travaux, et plus tard la gestion des problèmes éventuels après réception. Négocier avec les communes, étudier le montage financier et sa viabilité sur une cinquantaine d’années, faire valider le projet par les Services de l’Urbanisme, solliciter les prêts, engager les procédures d’appel d’offres, Denis assume tout cela avec le seul concours d’une secrétaire. A des stades différents, il pilote jusqu’à vingt opérations en même temps… Une responsabilité à laquelle Denis prend goût : il apprécie la diversité des tâches, le contact avec les architectes des bureaux d’études et de multiples acteurs. Mais en parallèle, il se lasse peu à peu de la multiplication des normes et des contraintes techniques ainsi que des fréquents changements de responsables. Il est donc heureux de pouvoir partir à la retraite à 62 ans.

Bouliste comme son père depuis qu’il est tout jeune, Denis s’implique aussi dans l’association locale, si bien que lorsqu’en 2001 Aimé Soumille, le père de Marlène Pezet-Soumille (voir son portrait dans cette Galerie), alors président, exprime le souhait de se retirer, Denis est disponible pour lui succéder. A 44 ans, il est dans la force de l’âge et se sent de taille à assumer cette responsabilité. Il perçoit bien que les compétences d’organisation, de gestion et de comptabilité qu’il a acquises dans sa vie professionnelle lui seront très utiles. Il va s’y donner pleinement, avec bonheur et à la satisfaction de tous. En vingt ans, il professionnalise cette association, au point d’en faire l’une des plus importantes et des plus dynamiques des Bouches-du-Rhône. En 2001, le boulodrome se trouve près du Monument aux morts ; Félix Pélissier, le maire de l’époque, décide de le déplacer près de l’école, à son emplacement actuel. Les boulistes, qui ont leurs habitudes, n’en sont pas très heureux mais finissent par reconnaître que, sous les platanes qui y ont été transplantés il y a une trentaine d’années, ils disposent d’un beau terrain de jeu. Plus tard, sous l’égide de René Fontès, un petit local est construit sur place pour l’association, assorti d’un comptoir pour tenir la traditionnelle buvette.

Denis fait en sorte que l’association reprenne la gestion de cette buvette, jusqu’alors assurée avec le Bar du Centre. Surtout, il introduit de la rigueur et de l’imagination dans l’activité de l’association. Rigueur dans l’organisation et dans la comptabilité : la Boule a désormais son calendrier annuel ; les manifestations sont bien organisées, chaque week-end ; les licenciés participent aux compétitions extérieures. On introduit de la diversité : à côté de la traditionnelle pétanque, on instaure en été des concours de « jeu provençal », qui s’en différencie par la distance de jeu et par la longueur des parties. On crée une Semaine bouliste dans le cadre de la Fête votive de la Saint-Laurent. La Boule travaille aussi pour d’autres associations qui souhaitent organiser « leur » concours à l’occasion de telle ou telle manifestation. Elle monte même des séances d’initiation à la pétanque pour des étrangers. Le succès est au rendez-vous : la Boule eygaliéroise compte aujourd’hui plus de 110 licenciés et 250 « sociétaires » ; le boulodrome est un des endroits les plus fréquentés du village le week-end.

Eygaliérois depuis sa naissance en 1957, au lendemain du gel catastrophique de 1956, Denis Granier est ici dans son élément, entre le boulodrome et la maison qu’il a construite en 1988 sur une partie du terrain que ses parents avaient acquis en viager il y a une cinquantaine d’années. Sans regret, il a laissé de côté le béton des HLM pour poursuivre sa route avec l’archéologie et les boules, en compagnie de son épouse, souvent aussi de leur fille Sophie, leur gendre et leur petit-fils Adrien.

31 octobre 2021